Les personnages
(Extraits de Franck Haro, Écrire un scénario pour le cinéma)
Sommaire
1. La caractérisation physique
La difformité peut être une caractérisation essentielle. Elephant Man de David Lynch et Freaks de Tod Browning prennent tous deux pour personnages principaux des êtres difformes et considérés comme monstrueux. Dans les deux cas, cette laideur extérieure sert au scénariste à prouver que les vrais monstres sont ceux qui profitent de la misère de ces personnages. De façon plus poétique, La Belle et la Bête raconte aussi ce dilemme entre laideur extérieure et beauté intérieure.
→ Voir l’extrait 1. : “La Belle et la Bête” (Jean Cocteau, 1946)
- Les handicaps sont eux aussi de forts éléments de caractérisation. Que ce soit la cécité de Daredevil de Mark Steven Johnson, l’autisme de Raymond dans Rain Man de Barry Levinson, la paralysie de Christy Brown dans My Left Foot de Jim Sheridan, la tétraplégie de Larry Flint de Milos Forman, le corps de Kenny l’enfant-tronc dans le film éponyme de Claude Gagnon, ou le corps mutilé de Johnny dans Johnny s’en va-t’en guerre de Dalton Trumbo, le cinéma a beaucoup utilisé le handicap pour caractériser des personnages. Dans Miracle en Alabama d’Arthur Penn, le personnage principal, Annie Sullivan, doit s’occuper d’une fillette aveugle, sourde et muette. Or, elle est elle-même une éducatrice spécialisée presque complètement aveugle, tout comme l’est Fausto Console suite à une explosion dans Parfum de femme de Dino Risi.
→ Voir les trailers 2. et 3. : “Rain Man” (Barry Levinson, 1988) et “Parfum de femme” (Dino Risi, 1974)
2. La caractérisation sociale et familiale
- Dans Le Parrain, le personnage de Michael Corleone apparaît après une dizaine de minutes de film. Le cinéaste prend le temps de créer l’ambiance du film par une séquence de mariage étonnamment longue, en fait un artifice scénaristique très pratique, qui permet de réunir tous les personnages du film dans une séquence inaugurale, afin que le spectateur les identifie tous. Au début du Parrain, donc, le personnage de Michael Corleone n’apparaît qu’après qu’on ait compris que son père et ses frères étaient des mafieux notoires. Il arrive donc dans cette fête, vêtu d’un uniforme militaire, et accompagné d’une jeune femme blonde et diaphane, Kay, antithèse absolue de tous les personnages que l’on vient de rencontrer. Devant l’effroi qu’elle ressent face à la famille de Michael, ce dernier lui dit : «C’est ma famille, Kay, ce n’est pas moi». Évidemment, tout le film n’a pour but que de nous montrer qu’il ne peut échapper aux liens du sang : il deviendra pire que les gens qu’il critiquait au début.
→ Voir l’extrait 4. : “Godfather I” (Francis Ford Coppola, 1972)
- De façon plus traditionnelle, le cinéaste Claude Chabrol use du même procédé de mise en place de ses personnages dans Le Boucher, qui débute par une scène de banquet. Cela permet de présenter tous les personnages d’une petite ville de province.
→ Voir l’extrait 5. : “Le boucher” (Caude Chabrol, 1970)
3. La caractérisation par l’action
- Dans M.A.S.H., film choral de Robert Altman, un des personnages principaux est le capitaine Benjamin Pierce, chirurgien militaire, interprété par Donald Sutherland. Le film se passe dans un hôpital de campagne, en pleine guerre de Corée. Quand ce personnage arrive, plusieurs militaires l’appellent par son vrai nom, mais lui les reprend à chaque fois, les priant de l’appeler «Œil de Lynx», son surnom. Or, ce personnage porte des lunettes à double foyer, il est très myope, ce qui contraste immédiatement avec son surnom. À partir d’un élément de caractérisation physique, le fait qu’il tienne à ce surnom montre déjà qu’il est iconoclaste (caractérisation psychologique).
→ Voir l’extrait 6. : “M.A.S.H.” (Robert Altman; 1970)
- Au début de The Party de Blake Edwards, un acteur indien est engagé comme figurant dans un film à grand spectacle. Mais il enchaîne les catastrophes, faisant perdre un temps fou à l’équipe, portant une montre à quartz dans une scène censée se dérouler au début du siècle… Pour gagner du temps, le réalisateur lui demande de sortir du plateau. Désœuvré, il se balade dans le décor quand il s’aperçoit que son lacet est défait. Il cherche autour de lui quelque chose pour s’appuyer et déclenche alors un détonateur qui fait exploser le décor principal du film. Cette scène est évidemment une scène de caractérisation, nous avons compris que cet homme est très maladroit.
→ Voir l’extrait 7. : “The Party” (Blake Edwards, 1969)
Synthèse
→ Voir l’extrait 8. : scène finale de “Scarface” (Brian De Palma, 1983) qui synthétise les 3 caractérisations.